La vie est belle (pv zack)

Zack était sorti de chez lui un peu plus tôt, après avoir ôté son uniforme scolaire, revêtant en vitesse son vieux blouson de cuir noir couvert de divers badges, il devait être à peu près six heures du soir. Il descendit les marches de l'immeuble à pieds, et se retrouva dans la rue, à plus ou moins errer dans l'air de New York, qui commençait à sérieusement refroidir, à mesure qu'on avançait dans la saisn, avant de passer sa main dans sa poche de veste pour y trouver un paquet de Peter Stuyvesant à peine entamer. Il en sortit une, qu'il coinça entre ses lèvres, avant de retourner à sa poche, à la recherche de son briquet. Qu'il ne trouva pas. L'autre poche, peut-être ? Rien à faire, il avait disparu.

Il y avait plusieurs possibilités, pour expliquer ça. Il avait pu tomber de la poche sans que son propriétaire ne s'en rende compte. Ou encore, voyant qu'il ne marchait plus, Zack l'avait peut-être jeter et avait ensuite oublié l'incident. Ou alors, son beau-père le lui avait emprunté, pour aller fumer en cachette de sa mère, et ne le lui avait pas rendu. C'était l'un des rares secrets qu'ils partageaient, Josh et lui, le fait qu'ils fumaient tous les deux, et que leur aide-soignante de colocataire (épouse pour l'un, mère pour l'autre), ne devait surtout pas apprendre.

Malheureusement, il n'avait que quelques dollars en poche, et il n'avait pas envie de les gaspiller pour un briquet. Il se résigna donc, gardant sa clope en bouche, sans l'allumer, à attendre de croiser son beau-père quelque part (chez lui ou ailleurs, en réalité, il le voyait plus souvent à l'extérieur qu'à l'appart, chacun d'eux passant le plus clair de son temps dehors) pour lui demander de le dépanner. Ca lui vaudrait un sermon, mais au moins, il aurait une chance d'avoir ce qu'il voulait.

New York des Sex Pistols, qu'il venait d'écouter en boucle dans sa chambre pendant une bonne demi-heure, flottait encore dans sa tête. Et sa tête bougeait, presque inperceptiblement, au rythme de la musique. Jusqu'à ce qu'il passe devant St Patrick's Church. Ses origines irlandaises (qui remontaient à ses arrière-grands-parents, certes, mais tout de même), lui valaient une sorte de prédestination pour cette église. Et c'est là que le seigneur lui envoya justement un signe, dont on ne pouvait se tromper sur la signification. Sur les marches de l'église, un type était en train d'enchaîner clope sur clope. Alors lui devait avoir un briquet, non ?

Il s'approcha, et, avec une espèce d'horreur, reconnut le type en question. Enfin, le reconnut, c'était beaucoup dire. Il fréquentait St Jude, mais il s'agissait d'un élève plus âgé, il ne connaissait pas son nom, mais il savait que c'était l'un de ces friqués impossibles qui y étudiaient. C'était bien sa chance. Et maintenant, il était trop près de lui pour soudain reculer et faire comme si de rien n'était. Il se força donc à prendre la parole, après une inspiration.

"Salut euh... mec... T'aurais, enfin, j'me demandais si tu voudrais bien euh... s'il te plait, enfin... me donner du feu, s'il te plait."

Oh qu'il devait avoir l'air con, avec sa clope éteinte dans la bouche et ses bafouillements. Ca enlevait vraiment toute crédibilité au look punk qu'il s'efforçait d'arborer en général. Si seulement il avait pu se forcer à parler d'un seul trait, en ayant l'air un minimum sur de lui.

L'autre mit un moment à exécuter sa demande. Zack se demanda s'il n'allait pas tout simplement l'ignorer, malgré ses yeux à la fois fixés et non fixés sur lui, c'était... plutôt étrange. Cependant, il finit par lui tendre un briquet que le jeune homme s'empressa d'attraper et d'allumer, légèrement surpris par la haute flamme qui en sortait, avant de mettre le feu à sa clope, en tirant la première bouffée avant de reporter son attention sur celui qui lui avait tendu son briquet, originellement pour le lui rendre. Sauf que le type en question se mit à parler, et alors là, Zack commença à comprendre que la raison pour laquelle le garçon en question était assis sur les marches d'une église en début de soirée, à fumer clope sur clope et à regarder dans le vague n'était peut-être pas uniquement dû à une stupide dépression potentielle dont il se serait foutu, parce que papa n'aurait pas voulu lui acheter une voiture ou que savait-il encore. Non, en fait, l'autre semblait plutôt complétement parti pour un autre monde...

Bon, alors deux solutions s'offraient à lui. Un, passer son chemin, comme il l'aurait fait dans un autre quartier, et se dire qu'après tout, c'était son problème, non ? En même temps, on était en plein Manhattan, et ce type fréquentait le lycée le plus réputé de New York, alors ça craignait franchement. Certes, tous les gamins de pleins aux as qu'ils étaient dans cet établissement en avaient fait bien d'autres et il savait que tout le monde veillerait à ce que ça ne s'ébruite pas, si c'était découvert... Et en même temps euh... Il n'était pas censé être un peu responsable, là ?

"Euh... Ouais.", répondit-il finalement, essayant de ne pas se demander à quoi pouvait ressembler le son produit par des couleurs qui chantaient.

Nan, bon, allez, c'était pas ses oignons. Il allait s'en aller.

"Merci pour le briquet", lâcha-t-il quand même avant de le lui rendre et de redescendre trois des marches du grand bâtiment. Nan, nan, nan, il pouvait pas laisser ce type en plein Manhattan, comme ça. Et qu'est-ce qu'il allait faire ? L'amener dans le Bronx, pour qu'il retrouve ses semblables et se fasse dépouiller immédiatement ? Rah... Réfléchis, tire sur ta clope, re-réfléchis, re-tire sur ta clope, arrête de réfléchir mais tire encore une fois quand même. Et voilà qu'il remontait.

"Euh... Ecoute euh... 'mec', tu penses pas que tu devrais rentrer chez toi ?" Il n'était vraiment pas très sûr de lui, souhaitant surtout ne pas mettre l'autre en colère, et ne pas se retrouver impliqué dans une bagarre stupide avec un drogué. Cependant, il s'efforçait d'adopter le ton le plus doux possible, de ne pas le brusquer. Son chtarbé de demi-frère en avait fréquenté longtemps, des gens comme ça, alors, il avait un peu l'habitude. Un peu.

"C'est pas pour dire, mais si quelqu'un te trouve ici dans cet état euh... Tu vas vraiment avoir des problèmes..."

*Oh Dieu, je vous en prie, vous qui m'avez amené jusque-là, ne me compliquez pas la tâche et faites qu'il comprenne ce que je dis...*

Et franchement, si le Dieu en question avait d'autres galères dans lesquelles il prévoyait de l'envoyer euh... eh ben qu'il évite, s'il vous plait.

Zack fit un effort pour prendre sur lui et évacuer toute l'envie de s'énerver qu'il avait dans un simple soupir. Attardé ? Nan mais qui parlait, là ? Un crétin de fils à papa drogué à on-ne-savait trop quoi et qui pensait que se faire disputer par maman était la pire des choses qui pouvait lui arriver ? Et puis quoi, si ça lui arrivait. C'était évident que ça ne lui arriverait jamais, ce genre de trucs. Il n'était pas complétement débile, lui. Allez, fais un effort. Il sait pas ce qu'il dit, il a pas dit ça pour t'insulter... Et au moins, ses paroles ont à peu près un sens, c'est déjà ça. Ouais mais bon.

Il commençait vraiment à se demander ce qui le retenait de passer son chemin et d'aller passer une heure ou deux dans le premier Starbuck's venu, ou d'entrer dans un cinéma, enfin, peu importait, pourvu qu'il soit loin d'ici, loin de cette église et loin de monsieur 'tu vois, j'ai même assez de fric pour me foutre en l'air correctement'.

Au lieu de ça, c'était peut-être par pitié, bien qu'il se dit plutôt que c'était pour préserver la réputation de son école, il s'assit sur les marches, à côté de l'autre. Ca paraitrait déjà plus normal, deux personnes assises ensemble, ça attirerait moins l'attention qu'un type seul avec les yeux dans le vide. Autant répondre à la question, puisqu'il était là, de toutes façons.

"Zack. Zack Murray, sophomore à St Jude"

Il s'efforçait d'adopter un ton complétement détaché, un ton qui dise 'et crois-moi, j'ai mieux à faire que de m'extasier sur le couleurs du ciel. Bon, en attendant, il fallait trouver une solution, une solution meilleure que de rentrer chez ses parents, puisque apparemment, ça craignait trop, et moins mauvaise que de rester ici.

"Bon, écoute, ici, ça craint aussi... Y a des flics qui peuvent passer, des profs, je sais pas... Et finalement, ta mère sera mise au courant, et t'en seras au même point, tu vois. T'as pas un copain qu'a un appart, qui pourrait t'héberger, quelque chose comme ça ?"

Après tout, c'était tout à fait légitime de demander ça : les seniors friqués avaient des apparts à eux, parfois. Il se demanda quand même ce qu'il en avait à faire, au fond. Que ce type se fasse arrêter, bordel. Il ferait sa cure de désintox et puis est-ce que ça l'empêcherait de dormir ? Bon, alors... Il commençait à être nerveux, pourtant. Allez, petit pote Peter, c'est temps d'en sortir une autre. Il reprit le briquet que le type avait posé à côté de lui et alluma la deuxième, à peine le premier filtre jeté.

Zack se contenta d'un "d'accord" assez peu convaincu lorsque l'autre lui donna son nom. Littleton. Ca ne lui disait rien. Mais il y avait beaucoup de noms qui ne disaient rien à Zack et qui s'avérait en fait des chaînes de restaurant, des compagnie pétrolière, enfin des trucs que personne n'était censé ignorer autour des porteurs de ces patronymes, justement. Alors, il ne disait rien, de peur de froisser le petit orgeuil personnel de ses congénéres.

Quant à la remarque sur son jeu d'acteur... A ça non plus, il ne dit rien. Si seulement Jackie avait été là, elle se serait emportée, sûrement. Jackie. Une folle-dingue, résidente de l'East Village. Il eut presque, un moment, l'envie de parler d'elle, d'expliquer comment ils s'étaient connus (elle était sortie avec son 'demi-frère' un court moment, ça n'avait évidemment pas fonctionné, mais Zack et elle s'était toujours bien entendu), comment ils avaient passé un moment à se fréquenter sans vraiment savoir quoique ce soit l'un de l'autre, et comment un soir, elle l'avait amené jusque chez elle, dans un coin encore assez malfamé de l'avenue D, et où, ronds comme des queues de pelle, elle lui avait raconté sa vie. Il avait cru un moment, peut-être au moment où ils avaient commencé à se rouler des patins féroces et à se débarrasser de leurs vêtements, que ce serait LE grand soir. Et puis elle s'était arrêtée, s'était recroquevillée contre le mur et s'était mise à pleurer comme une gamine, avant de s'endormir aussi sec.

Bref, ne vagabondons pas... Pourquoi avait-il commencé à penser à Jackie ? Ah oui, exact, les risques de se faire prendre en plein trip. Ca faisait partie du récit de sa vie : le moment où son frère s'était fait avoir encore une fois, après trois cures de désintox et où, pour ne pas revivre cet enfer encore une fois, il avait trouvé le moyen de se trancher lui-même les carotides (non, pas les poignets, c'était pas un truc de fillette, c'était du vrai gore, avait dit Jackie ce soir-là en riant et pleurant comme une démente). Il se souvenait encore de son regard de folle perdue, lorsqu'elle lui avait décrit la scène. Et après ça, il aurait empêché n'importe qui de faire des trucs aussi... malsains... Même un type tout droit sorti de son lycée de débile gâtés-pourris dont il n'avait, dans l'absolu, strictement rien à faire.

Il laissa échapper un rire amer, encore plein de ses précédentes pensées, lorsque le type sembla, dans son délire, comprendre ce qu'il voulait lui dire, et parla de Londres. Il le dévisagea quelques secondes, cherchant la trace de plaisanterie sur son visage. Mais non. Il était parfaitement sérieux.

"C'est ça", ricana-t-il. "C'est vrai que la sécurité dans les aéroports n'est pas énorme, ils te laisseront sûrement rentrer dans l'avion... A moins que tu te sentes en état de conduire un quelconque jet privé ?"

Maintenant, qu'elles étaient les réelles possibilités qui s'offraient à lui ? Le laisser planter là, et d'ailleurs, il ne comprenait pas pourquoi il ne l'avait pas fait plus tôt. Bon, comme il venait de penser à Jackie, son appart lui vint à l'esprit... Pour disparaitre aussitôt. Certes, l'Alphabet Quarter n'était pas aussi malfamé que par le passé, mais lâchez un type en plein trip au milieu de l'Avenue D et pariez sur le temps qu'il lui reste avant de se faire agresser/tabasser/dépouiller/violer/massacrer (rayez les mentions inutiles). Bon. Stupide, d'autant qu'il y avait des chances qu'elle ne soit pas chez elle. Rester là. Oui, mais tôt ou tard, quelqu'un allait finir par les repérer...

Et chez lui... Pff, sa mère travaillait de nuit, donc il n'y avait pas de risque en ce qui la concernait, mais c'était son beau-père, l'embêtant. On ne savait jamais quand il rentrait et quand il sortait, celui-là. Et puis, la perspective d'accueillir chez lui un camé complétement parti l'enchantait moyennement. Il jeta un coup d'oeil à son portable. Près de sept heures. A peu près l'heure de sortie du-dit homme. Le temps d'arriver chez lui, il serait euh... neuf ou dix heures, autant dire que la voie serait totalement libre. Ca se tentait.

"Bon, d'toutes façons, faut qu'j'rentre chez moi..." expliqua Zack en se levant des marches de l'église, et en allumant une nouvelle cigarette. Ce fut en tendant le briquet au mec qu'il lâcha sa dernière phrase : "Tu veux que je pousse plus loin mon rôle de Mère Teresa en t'invitant à m'accompagner, vu qu'il y a peu de chance qu'il y ait qui que ce soit là-bas à cette heure-ci, ou est-ce que je te laisse ici ?"

*comme une pauvre loque que tu es...* songea-t-il à rajouter, mais il n'en fit rien.

En fait, non. Je ne sais pas piloter.
Et puis il fallait dire que Londres etait a genre huits heures d'avions, plus le temps de passer les douanes et toute l'attente...Ca ne valait pas vraiment la peine. S'il évitait un nouveau fixe, il serait redescendu depuis longtemps avant d'arriver. Sans doute qu'un jet privé aurait été un peu plus vite, mais bon, comme il venait si judicieusement de le dire, il ne savait pas piloter de toute facon et il ignorait ou trouver quelqu'un qui le savait.
Tant pis, Londres serait pour une prochaine fois. En plus, s'il partait brusquement comme ca, il y avait de forte chance que ses parents se doute de quelque chose et ils était bien capable de le faire arreter la-bas et on le mettrait dans un endroit quelquonque d'ou il ne ressortirait pas de sitot. La derniere fois, on l'avait ramené a la maison apres trois mois, mais s'il devait encore échoué dans un centre, ses parents était capable de le laisser la jusqua sa majorité. Quatres ans! Déja que trois mois avait été un véritable enfer!

Tu ferais ca? Je veux dire, tu es vraiment génial, comme mec. Crois-moi, je te le revaudrai...

Jake ne savait pas grand chose de mere Teresa, a part qu'ell était affreuse, qu'elle avait genre 200 ans mais que tout le monde s'en fichait parce qu'elle était gentille. Sans doute que c'était ce qu'il fallait faire quand on était laid a faire peur, mais comme Zack ne l'était pas, il ne comprenait pas tres bien...Enfin, c'était quand meme vraiment sympa de sa part de lui proposer ca. D'ici une heure ou deux, il devrait etre assé bien pour rentrer chez lui et marmoner une quelquonque excuse plausible qui le justifierais de s'enfermer dans sa chambre jusqu'au lendemain.
Jake se leva tranquillement et s'allumat une nouvelle cigarette.
Il était toujours tres euphorique, mais il constatat que le ciel reprenait peu a peu son aspect normal.

Alors, on y vas?